ESCA 2019
L’histoire de ma vie n’existe pas. Très vite ce qui est écrit a remplacé ce qui a été vécu. C’est dans la reprise des temps par l’imaginaire que le souffle est rendu à la vie.
Margeritte Duras
A l’invitation de l’ESCA, j’ai animé du 9 avril au 17 mai 2019 un stage avec un groupe de 17 apprentis de l’école sur un texte de Marguerite Duras, La Musica deuxième.
Pourquoi Duras ? Parce qu’il me semblait important de permettre à des jeunes actrices et acteurs de rencontrer à ce moment singulier de leur parcours professionnel et de leur vie, l’écriture d’un écrivain majeur du 20ème siècle, écrivain femme qui plus est, qui s’est révélée en effet peu ou pas connue de la plupart des élèves.
Je souhaitais aussi proposer un travail collectif, qui implique l’ensemble du groupe dans la recherche d’une forme qui rende possible l’expression de ce texte – écrit pour deux personnages – avec 17 personnes sur le plateau, une forme chorale où l’individualité de chaque acteur serait au travail d’un objectif commun sans disparaitre pour autant. Et explorer ainsi d’autres espaces de jeu à travers ce paradoxe : comment porter ensemble un texte, être intensément à l’écoute de ce qui se joue, dans un mouvement commun, tout en restant dans l’intimité et la singularité de son propre rapport aux mots et à l’histoire qui a lieu.
La Musica Deuxième comporte en réalité deux pièces réunies en une seule, dont la deuxième – écrite 20 ans après – constitue un prolongement de la première, et emmène le texte plus factuel de celle-ci (Duras parle de la première pièce comme d’un « exposé des faits ») vers une forme de tragique. Mais un tragique qui prend sa source dans le quotidien de la relation amoureuse, et qui se présente en quelque sorte, pour reprendre les mots de Serge Daney, comme « un roman-photo métaphysique ».
Si la situation peut sembler au premier abord assez banale – un homme et une femme se retrouvent après le jugement de divorce dans un hôtel d’Evreux où ils ont vécu le premier temps de leur amour, et parlent toute la nuit – ce n’est pourtant pas un théâtre naturaliste, c’est une écriture où comme chez Racine, qui est aussi un théâtre de la parole, même si le rapprochement peut paraitre singulier, la forme contient le tragique. Le tragique ou l’impossibilité, mais c’est un peu la même chose, de l’amour.
Le Studio ESCA (Ecole Supérieure d’art dramatique de Comédien.ne.s par l’Alternance) est une des douze écoles supérieures françaises à délivrer le DNSPC (Diplôme National Supérieur Professionnel de Comédien) adossé à la licence d’études théâtrales délivrée par l’Université Paris III Sorbonne Nouvelle. La seule école supérieure dont le projet pédagogique repose sur une formation de qualité portée par des professionnel.le.s reconnu.e.s et un apprentissage en alternance permettant de rencontrer le milieu professionnel de la scène et de l’audiovisuel. Les apprenti.e.s perçoivent une rémunération ce qui permet à chacun, et dans un souci d’égalité des chances, d’envisager des études supérieures avec une plus grande sérénité. La formation par l’alternance en art dramatique mise en place et développée par le Studio I’ESCA est une idée pionnière. Elle valorise le rapport à la réalité du travail tout en préservant les espaces de création et de rêve pour les jeunes artistes en devenir. Les apprenti.e.s bénéficient d’une formation en alternance durant trois années. De ce fait, il s’agit d’un sas d’accompagnement vers la professionnalisation tout en continuant à développer les outils de l’actorat et une recherche artistique.